GINO
Le plus misérable du marché 
ANNIVERSAIRE  :  15/02/1985
ARRIVE(E) AU REFUGE  LE :  28/03/2007
HANOVRIEN   HONGRE  
DECEDE(E) LE 12/04/2008
Comment mieux s’exprimer que  par l’émouvant récit de Annick  Thérasse (qui fut publié sur notre site et dans notre magazine) à propos du sauvetage du mercredi 21 mars 2007 aux abattoirs d’Anderlecht... Je vous en livre ici le texte...

«Voulez-vous savoir comment je suis passée du paradis à l’enfer ce mercredi 21 mars ?  Je suis arrivée au paradis de 100 CHEVAUX SUR L’HERBE à 8 h 30, j’ai travaillé avec les palefreniers.  La vraie vie du refuge, j’adore.  Je partage l’intimité des dadous, c’est très important pour moi.  A 13 h, on part pour Anderlecht avec quelques petites frayeurs du genre tempête de neige, batterie plate de la voiture... mais pas de quoi nous arrêter, juste de quoi stresser un peu (hein Marc).  A 15 h 45, arrivée en enfer, on voit déjà les camions remplis de chevaux, première angoisse car c’était une grande première pour moi.  On regarde rapidement les premiers malheureux toujours dans les camions, ma respiration s’accélère et mon coeur s’emballe.  Marc repère déjà un trait, il faudra faire vite dès qu’il sera descendu car les bouchers vont se bousculer pour examiner sa viande.  Première obligation d’isolement car l’émotion monte d’un coup en apercevant deux petits ânons complètement traumatisés au bord du camion.  J’aurais voulu m’enfouir avec eux, j’en aurais pris un sous chaque bras.  Après quelques minutes, je reviens.  Déchargement des condamnés de n’importe quelle façon pourvu qu’ils descendent, pas grave s’ils tombent, ils se relèveront, ils glissent, trébuchent mais le maquignon tire davantage sur la corde, pas grave si le pauvre animal est mort de peur... Je crois rêver tellement le spectacle est atroce.  NON, c’est réel, l’horreur s’étale sous mes yeux.  Les animaux sont attachés l’un contre l’autre.  Je n’imaginais pas pareil calvaire pour ces pauvres bêtes terrorisées.  Ensuite, un maquignon vient attacher un poulain juste devant moi, je croise son minuscule regard et je m’effondre, il était complètement paniqué le pauvre, il cherchait évidemment désespérément sa mère. 

 Là, je vis un moment très pénible.  

Tout se bouscule dans ma tête, je n’y crois pas, je marche dans tous les sens puis à l’abri des regards, je craque en me tordant de mal au ventre, je crois que j’aurais pu vomir pendant des heures.  Si impuissante devant tous ces magnifiques dadous, je les regarde avec mon coeur que je sens brisé.  Mais il faut lutter, je me redresse et recolle les morceaux car psychologiquement, je me décompose.  Je reprends mon souffle et j’y retourne.  Ils étaient tous descendus des camions et devaient sans bouger sous peine d’être frappés se laisser examiner par les bouchers totalement indifférents.  Je rencontre Marc qui venait d’acheter Bram, un trait à l’allure magnifique, d’un calme anormal,  il avait certainement reçu un calmant car son effet passé, il avait envie d’exploser, ce qui se confirmera au refuge.  Je poursuis, je traverse la première allée, je me lance.  Je vois d’abord l’arrière des chevaux.  Je prends ensuite la seconde allée et je vois la tête des premiers, ils sont placés face à face.  Je croise un regard et je reçois un coup de poignard dans le coeur.  J’ai une soudaine envie de les détacher tous.  Je me sens si petite au milieu de tous ces assassins qui me bousculent sans aucune gêne.  Je me redresse à nouveau et je fonce droit devant, je bouscule aussi, même pas peur, je les aurais tous étranglés,, torturés jusqu’à l’agonie.  Leurs ricanements résonnent affreusement dans ma tête.  Je poursuis.  Je rejoins Marc pour me rassurer, on traîne pour acheter les trois derniers.


  A chaque fois, les bouchers  étaient passés devant nous.  

Un énorme chiffre inscrit en rouge sur ces sublimes créatures voulait dire que leur vie s’arrêtait là, ils étaient complètement abattus de tristesse.  Une souffrance supplémentaire, bientôt, je vais saturer et mes émotions vont éclater.  Finalement, après plusieurs passages et discussions, Marc achète Jowie et Firona, deux superbes chevaux noirs d’attelage, quelle élégance, mais que faisaient-ils là ?? En même temps, on doit absolument sauver Gino, la misère sur pieds.  Génial, youpie, cool, on va le ramener aussi.  Vraiment choquant de voir l’état du pauvre Gino, je croyais vraiment qu’il épuisait ses dernières forces.  J’étais écoeurée par tant de cruautés humaines.  J’aurais voulu le soigner déjà sur place.  J’ai fouillé mes poches à la recherche d’un sucre pour lui donner un peu de force mais impossible de lui donner quelque chose.  Je m’en voulais à mort.  Heureusement, je vais pouvoir me rattraper au refuge.  Je souffrais vraiment avec lui et je partageais ses douleurs.  Voilà nous avions nos quatre protégés.  Quel soulagement de savoir qu’ils ne risquent plus rien.  Je me sens beaucoup mieux déjà même si on laisse les autres derrière, c’est cruel mais on positive et on regarde devant.  Vite, on quitte cet endroit glacial, sinistre, horrible, lugubre, affreux... 


 Ils sont chargés, quel soulagement,
 je décompresse enfin et le bonheur m’envahit.  

Je les aime déjà tellement fort surtout mon coup de coeur Gino.  A mi-chemin, je retrouve tous mes esprits et apprécie énormément d’avoir participé au sauvetage de ces quatre merveilles.  Arrivés au Paradis chez Marc : Firona et Jowie descendent en premier lieu, nous sommes tous très surpris par leur beauté, leur élégance.  On sent une telle complicité entre eux, ils vont pouvoir vivre heureux au refuge, rien que d’y penser, c’est extraordinaire.  On les admire un peu puis direction leur nouvelle maison où un confortable lit de paille, du foin et de l’eau les attendent.  C’est au tour de Bram tenu par Marc, ce n’est pas chose facile.  Notre étalon est très vif, il est magnifique mais n’a qu’une idée en tête, les juments, il est assez énervé, c’est impressionnant, il est trop beau.  Pendant que Bram découvre les installations, je rassure Gino qui est toujours dans le van, il tremble de froid.  J’entoure son encolure de mes bras et lui parle doucement.  Il se passe déjà quelque chose entre nous, je lui explique qu’au paradis, il ne vivra que du bonheur, qu’il doit être courageux pour guérir de ses blessures, qu’on l’aidera à oublier la méchanceté de certains humains, il dépose sa tête sur moi, je suis tellement heureuse... Il sait déjà que plus aucune brute ne le touchera.  

On se comprend, la magie opère, 

...je lui transmets une tonne de courage pour qu’il guérisse vite.  Il descend et l’horreur nous fait face, il a énormément de blessures et est vraiment très maigre., on le couvre vite car il tremble.  Dans son box, il se dirige péniblement sur le foin et l’eau, il commence à apprécier le bonheur tout doucement.  Là, je sens la petite étincelle dans mon coeur, l’émotion est énorme et tellement agréable cette fois, j’ai déjà oublié les horreurs vécues auparavant.  Je me réjouis car la réussite est totale.  Je ne regrette pas d’avoir affronté la réalité.  Si les chevaux vivent ces horreurs, je devais y participer, c’était la moindre des choses.  Heureusement pour quatre d’entre eux, on ne parlera plus jamais de malheur.  On ne retient finalement que le positif.  Je me sens plus forte et les montagnes que je pourrais soulever pour eux sont maintenant gigantesques.  Je remercie mon grand-père qui m’a transmis l’amour des chevaux, cette passion si envoûtante.  Les moments vécus se  mars ont bien renforcé tout l’amour que je porte aux dadous du refuge que je considère tous comme les miens.  Ils sont si généreux.  Merci 100 CHEVAUX SUR L’HERBE.  Au final, quatre ont remporté la victoire de leur combat avec la mort.  Quel bonheur !!!  Vous savez vraiment comment j’ai vécu cette journée que je n’oublierai jamais.  Je n’ai jamais ressenti autant d’émotions en un jour.  Quelle expérience enrichissante!  Je me suis couchée ce soir-là vraiment heureuse en pensant à nos nouveaux dadous.  Merci Marc d’avoir accepté que je vous accompagne, le cadeau était de taille.              
Annick THERASSE