100 CHEVAUX SUR L'HERBE : Bien plus qu'un Refuge soignant près de 150 équidés 

LUCKY CHARME
Une seule heure pour agir !
ANNIVERSAIRE  :  19/01/1989
ARRIVE(E) AU REFUGE  LE :  19/01/2006
DECEDE(E) LE 12/12/2006​​​​​​​
Tous les Mercredi, (jour du marché aux chevaux aux abattoirs) mes pensées ont toujours été  pour ces malheureux  dont on allait  dépouiller la vie.  
Cent fois, nous nous  sommes rendus sur ce marché où  comme sur l’échafaud  monte chaque semaine un nouveau  troupeau  de chevaux sacrifiés et combien de fois nous sommes revenus de ce lieu sinistre  avec un ou plusieurs chevaux secourus.  Cette grande bourse de la mort  nous la connaissions bien... voilà pourquoi d’ailleurs a été fondée notre oeuvre...
Appelés impérieusement par la volonté de sauver un cheval mais tiraillés aussi par des exigences bien pratiques et bien concrètes (1° n’ayant plus de place dans nos écuries aussi longtemps que la nouvelle écurie ne sera pas construite - 2° nos finances nous imposant à redoubler de prudence)  : il me fallait raisonnablement m’ accrocher à l’idée d’être patient... 
Et lorsque à la fin de l’année  , la  famille Soetaert , de grands amis des animaux pleins de sensibilité et  surtout  de compréhension au sort de ces chevaux  , nous fit un don pour aller spécialement sauver un cheval de trait...  c’était  écrit, la lumière du destin nous fit un signe...

Un Amour plus fort que tout

Nous voilà au marché nous trouvant aux côtés de ces pauvres chevaux le mercredi 18 janvier 2006  Avec notre équipe habituelle de choc : accompagnée d’une nouvelle bénévole qui découvrit pour la première fois ce lieu où s’entremêlent les grincements de la peur des équidés et le dédain  cruel des hommes.

Comme à chaque fois une terreur horrible gagne les chevaux : ici ils sentent qu’ils vivent leurs derniers moments et que après mille maux et mépris des hommes à travers les longs couloirs se répandent les souffles de leurs derniers soupirs...
Les hommes  qui ont le pouvoir de faire disparaître d’un seul geste une vie, les grossistes en viande ,  scrutent les animaux qu’ils enverront au crochet de boucherie.
Ici , à part nous, on se garde de pitié, de compassion.   

Comme a très bien écrit Nietzsche :  «Quand les battants du portail de l’abattoir s’ouvrent : la mort crache mille éclats de rire»...
Sous nos yeux, nous assistons sans pouvoir agir à la vente d’une maman cheval de trait et de son petit.  Ce dernier est séparé sans ménagement de sa mère et  part chez un boucher.  La maman elle, est vendue à un autre grossiste en viande. Un vieux poney, le poil sale et terne, tout tordu est attaché aux barrières.   Hélas le malchanceux est déjà vendu au boucher.
Un autre poney le postérieur gauche  raide  comme un piquet est tiré sans ménagement par un maquignon.  Celui-ci nous répond que c’est pour tuer il le vend 200 euros...  Encore un qui flairant que nous ne sommes  pas de la profession hausse le prix (le poney a une valeur boucherie de 100 euros maximum).

 «Marc, ceux-là !»

Une bénévole m’interpelle et me montre du doigt 2 grands chevaux blancs.   Je rêve !  J’hallucine : 2 Percherons !  Ce sont les chevaux de trait pour lesquels j’ai toujours  eu  un faible : tellement ils sont calmes, confiants , équilibrés et si beaux...
Hélas les chevaux appartiennent à Oosterlinckx le marchand de chevaux de boucherie du marché qui écrase tous les autres par le nombre important de chevaux qu’il réunit à chaque fois.  Chaque semaine, il vient avec une vingtaine de victimes qui seront toutes vendues à des bouchers.  Où trouve-t-il , par ailleurs, toutes ces équidés qu’il rassemble ainsi chaque mercredi ?  Oosterlinckx n’est jamais bon marché : ses animaux coûtent plus cher qu’un autre maquignon...
Je l’interroge pour le prix des Percherons.  La  grosse jument : 700 euros et l’autre : 650 euros.  
Il faut  l’admettre : ce n’est pas excessif !   Etant donné  leur poids et envergure, ces chevaux de trait sont cédés d’habitude à un prix bien plus onéreux.   Cela signifie que la spéculation sur le prix de la viande chevaline est bas ce jour-là .   Il faut bien constater qu’en hiver, les prix sont toujours moins conséquents car les maquignons ne  pouvant laisser leurs animaux en  prairie préfèrent les vendre qu’ assumer  leurs charges en écuries. Le marché est  donc inondé d’un plus grand nombre de chevaux et les prix, suivant la grande offre,  sont  donc plus bas et abordables..

Il me reste une heure maximum pour agir sinon elles seront irrémédiablement vendues pour leur viande.  Je propose 1125  euros pour les deux... car je n’aurais pas le coeur de séparer ces deux juments.   On  l’observe facilement  elles sont fort attachées l’une à l’autre et ce serait vraiment impardonnable d’en sauver une  et d’abandonner l’autre  à son sort.
Le marchand refuse en m’adressant un rire cynique comme si j’étais un mendiant des marolles.

La vie
 sous un meilleur jour

Le temps d’aller voir  pour d’autres chevaux, je repasse devant le maquignon et à nouveau discussions pour le prix des deux fifilles percheronnes.
Après  un interminable palabre , je parviens à avoir les deux percherons pour 1200 euros !  Hourrah !  Un bonheur immense m’envahit et l’équipe partage vraiment ma joie.

Sans aucune difficultés, on charge les 2 rescapées dans le van et nous voilà parti au domaine...
Pour ces deux juments , après une vie obscure :  une vie longue et heureuse s’écoulera  toute entière au refuge - une existence de grand bonheur entourée de notre dévouement et notre amour...

Hélas, tous les autres chevaux ayant échoué  au marché  ce mercredi  dans leur solitude et leur désarroi   seront brutalement  conduits vers les abattoirs.
Ces pauvres coeurs, oubliés par tous, passeront  leurs dernières nuits  dans une terreur horrible après avoir subi tant de  mauvais traitements et finiront douloureusement leur triste existence tombant sous le coup des pistolet  de l’abatteur. Nous aurions tant aimés, tous les sauver et tous leur donner une vie toute belle ici au refuge....
Un million de fois hélas ce cadeau  nous ne pouvons pas le donner à tous :  c’est une injustice criante qui nous fait toujours très mal.  
Mais ce n’est pas pour cela qu’il ne faut rien faire.  Au contraire !
Face à l’océan de misères et de souffrances : il faut persévérer et tenter toujours de sauver le plus possible de ces infortunés car chaque être mérite de vivre car il est capable d’aimer et de ressentir bonheur et douleur .
L’essentiel est de donner un nouveau départ dans la vie à des êtres ayant été violentés par les hommes et de faire découvrir à ces équidés l’immensité et la beauté d’une autre vie....
Au moment où j’écris ce livre, Pélénore vit toujours parmi nous.... hélas  LuckyCharme la plus adorable et d’une sensibilité rare et spéciale nous a quittés.
Ce sont, il est bien vrai, toujours les meilleurs qui partent les premiers...