EPONA
La vie offerte comme un cadeau 
ANNIVERSAIRE  :   15/01/1974
ARRIVE AU REFUGE  LE :  14/01/2004
DECEDE(E) LE 18/06/2004

Mercredi 14 janvier 2004, nous nous sommes rendus aux abattoirs d’Anderlecht  et à travers les longs couloirs  du marché aux chevaux, nous étions là avec un but : celui de sauver un cheval condamné aux tueries. 
Nous en avons enlevé deux : Harry et ... EPONA.
Beaucoup de chevaux étaient réunis ce jour-là :  grands, petits, jeunes, vieux..... comme toujours ici tout s’entremêle:  les grincements de la peur des animaux, la brutalité et la déconsidération mordante des hommes, les yeux implorants des chevaux et des poneys qui sentent leur vie s’achever....

Tous les prisonniers du jour éprouvaient , comme à chaque fois, une terreur horrible :  la vapeur fumante des derniers soupirs  des chevaux tués à quelques mètres de là  les envahit et ils entendent déjà  sonner les cliquetis des sinistres couteaux des bouchers.

Ceux qui ont le pouvoir de faire disparaître d’un seul regard une vie sont bien entendu présents :   ces grossistes en viande, ces seigneurs du marché, ces grands destructeurs de vie affûtent leurs faucilles et recherchent en ce marché le maximum  de chevaux qu’ils enverront à la perdition.

Mon regard s’arrêta sur une toute vieille jument de trait ardennaise.....  résignée, complètement désintégrée par sa présence sur place....  plus aucune dent à l’avant !!!!  Des pieds qui n’ont pas connu les soins d’un maréchal ferrant depuis la nuit des temps.... un affreux et pesant licol en  chaîne  écrasait son pauvre visage d’ange.   
Indiscutablement c’était  une malheureuse qu’on  avait exploitée jusqu’à la corde.... jusqu’au bout...
Maintenant, elle ne servait à plus rien qu’à remplir l’ étal d’un boucher.
Une telle déchéance s’étalant ainsi ne pouvait que parler à mon coeur.. et j’ai décidé de l’acheter.

Après avoir  tergiversé longtemps pour un accord de prix avec le fournisseur de chevaux de boucherie , j’ai obtenue la jument pour 21.000 fr ! (525 euros)!
Très calme, très sereine, Epona nous dévisage avec une attention tendre et avec confiance rompant immédiatement toute méfiance que l’on peut avoir vis-à-vis d’un cheval inconnu..  Tranquillement, elle rapproche son corps massif du vôtre, franchissant le pas,  histoire de dégeler l’ambiance et de vous faire savoir qu’elle n’est pas Xena la guerrière.

Mesurant l’ampleur de son bonheur, désormais , rien ne compte plus pour notre adorable protégée que le moment sublime où elle voit qu’on lui apporte la nourriture dans son box.     Hé pas si vite ! Je suis là ! nous dit-elle à sa façon en s’empressant de  camper  son corps pachydermique devant la porte d’entrée du box, nous embarrassant souvent pour y entrer.
Emportée par le bonheur de vivre parmi nous, Epona sent qu’elle dépasse enfin tous les moments sombres de son existence où le soir la fatigue et le détachement  froid des hommes l’agenouillaient de peines et tristesses.
Grâce à 100 CHEVAUX , cette très très gentille jument a pu accrocher son regard d’ange et savourer avec gourmandise le dévouement et la sollicitude des humains.
Et pourtant Epona s’affaiblissait..  Cette dame très âgée qui était en soins vétérinaires constants pour son grave problème d’arthrose. On entendait ses vieux os craquer de tous côtés.
Nous faisions du mieux que nous pouvions pour lui assurer toujours une qualité de vie optimale sans lui imposer des épreuves inutiles.  
Un jour hélas, ses membres fatigués eurent raison de sa résistance.  Elle était si éprouvée que plus aucun remède ne pouvait lui apporter soulagement .
J’ai dû me résigner à endormir Epona.   Aujourd’hui lorsque je regarde le ciel,  je sais qu’il y a parmi les étoiles, celles de mes chevaux partis comme Epona qui scintillent et  m’envoient un signe de toute leur tendresse et reconnaissance.