BASKA
Ce jour-là  n’est pas un équidé sauvé, c’est quatre  !
ANNIVERSAIRE  :  6/02/1983
ARRIVE AU REFUGE  LE : 6/02/2008

DECEDE(E) LE 13/03/2008

Je crois qu’il est bon aussi de faire partager ce que d’autres vivent et ressentent en découvrant le marché aux chevaux.   Il y a tant de choses à dire  et puis la sensibilité d’une personne n’est pas nécessairement l’autre.  

Voilà pourquoi je vous livre ici le texte d’une bénévole
 lorsque nous sommes venu au secours le 6 février 2008 de 4 équidés partant pour la boucherie...

Le mercredi 6 février nous avons quitté le refuge à 14 h.  destination le marché aux chevaux de l’abattoir d’Anderlecht.  Plus nous approchions et plus l’angoisse montait en moi.
Arrivés sur place à 15h20 , les marchands sont déjà là : 9 camions et quelques vans.   Je me remémore les conseils de Marc et jette un coup d’oeil dans les camions en essayant de cacher mes émotions.  Les marchands sont réunis, discutent bruyamment, et nous observent du coin de l’oeil.
A ce moment, j’avais déjà repéré un groupe de jeunes trotteurs.  L’attente se prolonge.  Nous allons d’un camion à l’autre, le coeur battant à tout rompre.  Pendant ce temps arrivent des «bouchers» dans leurs grosses voitures payées par le sang des chevaux.  L’inquiétude grandit, je crains des brutalités au déchargement et j’ai peur de voir des chevaux en mauvais état.  J’ai envie de prendre mes jambes à mon cou et fuit à mille lieux de là.  Mais il faut rester affronter la réalité pour témoigner.

Les premiers chevaux sont  débarqués

Un responsable du marché vérifie les puces et les papiers de certains d’entre eux, Marc nous apprend que la vérification n’est pas systématique, le responsable choisit un chargement au hasard, c’est un coup de sonde.
Il est 16h20 et le grand débarquement commence : les chevaux descendent, certains glissent, un alezan tombe, les marchands crient.  J’essaie de suivre du regard le trotteur que j’avais repéré.  Il y a un peu plus que 100 équidés : plus des 3/4 sont des chevaux de selle, une bonne dizaine de chevaux et poulains de trait, quelques ânes et des doubles poneys.  Tous serrés les uns contre les autres, attachés aux barrières par une corde d’une trentaine de centimètres.  Certains sont encore ferrés et glissent sur les trottoirs en pente, d’autres s’énervent, shootent, tirent au renard.
Des grands, des petits, des jeunes, des vieux, des boiteux, des maigres, un cheval de trait a une jambe fracturée d’autres semblent complètement résignés.   Mes yeux vont d’une rangée à l’autre, je ne sais pas où regarder, tous méritent d’être sauvés, tous méritent de vivre.

Et le grand cirque commence : les «bouchers» circulent dans les allées, tapotent les chevaux avec de longues baguettes, les font bouger (on se demande bien pourquoi) en prenant un air hautain et suffisant, négocient haut et fort et claquent deux fois plus bruyamment possible dans la main du marchand pour conclure la vente.  Ils aiment se donner en spectacle et cela m’écoeure, me donne des envies de meurtre.

Pendant ce temps, Marc court d’un côté à l’autre
 et essaie de prendre les bouchers de vitesse.

Mais il n’est pas facile de repérer à qui appartient chaque groupe de chevaux et les bouchers avancent, achetant par lots complets.   Ca va vite, très vite.   Je lui montre les trotteurs, il se précipite mais hélas c’est déjà trop tard pour eux... et je craque.   Je ne veux pas pleurer là, donc je retourne à la voiture où je m’isole quelques instants afin de reprendre mon calme.
A mon retour, Sylvie m’annonce que Marc a sauvé 2 équidés et, comme Pili accepte d’en prendre dans son camion, il continue les négociations pour 2 autres !  Notre petit groupe se reforme, chacun donne ses impressions.  Je retourne vers les trotteurs pour une dernière caresse, un adieu.
Les bouchers continuent leur sinistre chemin, renégociant au plus bas les malheureux qui n’avaient pas été sélectionnés au premier tour.  Une immense tristesse m’envahit, je me sens complètement sans force et dans le flou.
Nous nous dirigeons vers nos véhicules et nos rescapés arrivés : une vieille jument alezane (Eva) qui se demande ce qu’elle fait là,  un bébé trait tout noir et pas très gros avec un pénis tout enflé (Phébus), un âne gris (Pépito) décoiffé et une double ponette pie bien maigrichonne mais si jolie (Baska)  
Et c’est comme un grand rayon de soleil dans ce pénible après-midi :  ces 4 là ne connaîtront pas l’abattoir grâce à 100 CHEVAUX SUR L’HERBE.

Mais l’éclaircie est de courte durée, 
la mort approche...

... un grand camion double pont s’avance pour embarquer les sacrifiés.  Nous montons dans les voitures et nous partons de cet endroit maudit, mais en quittant le parking j’aperçois 2 alezans qui entrent directement dans le couloir de l’abattoir.

A ce moment, la tristesse m’étouffe et je sens monter en moi la haine contre cette injustice : coupables ces types qui vivent de ce monstrueux commerce. coupables ces propriétaires incapables d’assumer leur cheval jusqu’au but, coupables ces propriétaires de manèges qui ne visent que la rentabilité financière, coupables ces éleveurs qui ne pensent qu’à l’argent, coupables ces parieurs pour qui les courses sont un jeux, coupables ces hippophages qui aiment le goût de la chair équine, coupables tous ceux qui ferment les yeux. 
 Tous coupables sans distinction ! D...