CANSAS
voulait vivre
ANNIVERSAIRE  :   26/01/1991
ARRIVE AU REFUGE  LE :  9/01/2007
PERCHERON  HONGRE  
DECEDE(E) LE 28/06/2007
En se rendant le 16 novembre 2006 sur la foire de Villegranche dans l’Aveyron (sud France) Irène Rannou cette grande protectrice des chevaux (elle en a sauvée plus de 400 de l’abattoir)   est tombée sur un cheval Percheron dans un état qu’elle qualifie elle-même de monstrueux, une véritable  catastrophe dans un état de misère indescriptible.  Epouvantablement maigre le malheureux ne pouvait plus marcher , il souffrait le martyr depuis des années .... les 2 pieds antérieurs pourris plein de vers et des plaies jusqu’aux boulets accablaient le malheureux.  Quant aux 2 autres pieds, l’un est fissuré (seime), l’autre était en forme de ski. Vous pourrez lire le courrier transmis par Irène à propos de ce cheval.   Chaque semaine Irène me téléphona  pour me  demander  de prendre Cansas.   J’hésitai car les décès les derniers temps de nombreux de mes  chevaux m’ont affligés  et  Cansas n’avait, parait-il qu’une chance sur dix de s’en sortir et puis aussi  un palefrenier ayant dû se faire opérer d’urgence d’une appendicite  le refuge se trouvait cruellement  démuni de son aide....   
Enfin sous l’insistance de Irène et étant donné qu’il fallait absolument et sans tarder un endroit disposant d’aires de béton (nous avons  fait construire spécialement des cours bétonnés pour les chevaux de traits du refuge) j’ai  été touché par le sort de  ce malchanceux et je me suis  décidé à la veille de Noël d’accueillir Cansas.  Pas une sinécure bien sûr car ce cheval nécessitera d’importants et très lourds soins. 
Tout ce que Cansas avait renfermé depuis des années dans son coeur comme dans son corps était une monstrueuse négligence et  odieuse déconsidération des hommes.  Cela nous  fit une immense pitié de le voir aboutir chez nous : c’était à peine si il pouvait marché tellement il avait mal    Une semaine après son arrivée au refuge le 18 janvier 2007, il fut hospitalisé à la Clinique des Grandes Plaines à Froidchapelle où le diagnostic pessimiste  fut particulièrement pénible à entendre.   La troisième phalange du pied  de Cansas est fortement  atteinte (ostéomyélite) . Elle serait entamée par l’infection à plus de la moitié de l’os.... en pratique pour qu’il y ait un succès d’opération : 1/3 de la phalange peut être au maximum atteinte !   A cela s’ajoute une arthrose entre la 3e et la 2e phalange ce qui hélas n’arrange absolument rien.   Si la clinique vétérinaire des Haras de Pompadour lui accordait une chance de guérison sur dix, ici la clinique de Froidchapelle nous rétorque que c’est encore beaucoup....  Il faut savoir que l’autre pied (l’antérieur gauche) est également gagné par l’infection mais probablement moins profondément puisque Cansas s’appuie dessus.   Cependant on n’opère jamais  deux pieds simultanément car le cheval ne se relèverait plus durant sa longue convalescence... L’obligation d’absence d’intervention de cet autre pied ne peut  malheureusement que contribuer le développement de l’infection... En tenant compte qu’il faudra plus d’un an  et demi de soins intensifs pour le pied antérieur droit de Cansas,  l’infection de  son autre pied ne s’amplifiera-t-elle pas ? 
A un tel bilan (si noir) trois possibilités se profilaient :
1°   Euthanasie du cheval  immédiate.
2°   Nous reprenons Cansas au refuge en lui donnant quelques mois de bonheur suprême tout en sachant qu’il aura toujours mal et puis  un jour  nous l’endormons entouré de toute la chaleur de notre amour et sollicitude...
3°    Nous prenons l’option du «Va tout» où nous faisons procéder à l’opération du pied droit , en sachant pertinemment bien, que ses chances sont extrêmement minces mais en exploitant celles-ci aussi minimes soient-elles ...

J’ai téléphoné à Irène Rannou pour lui donner la situation exactement.   En tenant compte que Cansas est un cheval avec une exceptionnelle volonté malgré le paroxysme catastrophique  de son état -   en tenant compte  aussi qu’il a enduré son calvaire depuis plusieurs années et ce, sans soin et assistance -  enfin en n’oubliant pas que indéniablement Cansas s’est battu pour être toujours là (car contrairement à lui , d’autres chevaux n’auraient pu tenir face à  une telle  souffrance et infortune) :  Irène et moi avons décidés  tous les deux de tout tenter pour Cansas même si nous savions que ses chances sont extrêmement réduites.   
Oui, oui :  tout va changer Cansas ! Voilà ce que nous nous disions...
Monsieur Scohier vétérinaire et responsable du Centre Référé des Grandes Plaines  et notre vétérinaire le docteur Mabille ont donc procédé à anesthésié localement  Cansas afin d’extraire  toute l’abondante infection .... la pourriture était si épouvantable qu’il ne reste désormais plus qu’un 1/3 de sabot....   Les médecins n’ont pu cureter l’os de la troisième phalange car Cansas n’aurait plus de sabot et il serait impossible de le laisser ainsi.  Notre cheval a été pendant de nombreux jours sous antibiotiques , anti-douleurs (morphine) et anti-inflammatoires.  Durant deux semaines et demi, il fut soigné  chaque jour à la Clinique et  après nous avons pu prendre le relais chez nous au refuge.   Chaque jour, nous lui nettoyons et désinfectons les plaies  et lui refaisons un solide  pansement.  Cansas devait retourner chaque mois à la clinique afin qu’on le déleste  de cette prolifération affluente et chronique d’affreuse et nauséabonde chair. 
Si sa guérison semblait être difficile, elle semblait néanmoins au début s’amorcer petit à petit... l’infection ne semble pas revenir  mais nous devons chaque jour lui prodiguer des soins lourds  et respecter une consigne incontournable : hygiène parfaite de son box.. ( 8 fois par jour on ramasse ses crottins et  remplaçons sa litière souillée !)

Epaulé par une protection toute spéciale  et  par l’amour et la compétence  de chacun d’entre-nous (qui souhaitions avec ardeur  réussir à le sauver)  les yeux de Cansas qui avant se cachaient  derrière un sombre voile d’amertume  ne se rembrunissent plus et au contraire paraissent briller de joie et reconnaissance.
Même  si il avait  connu tant de disgrâces  et que ignominieusement bafoué ’il a été traité  comme un véritable déchet,  sa gentillesse demeurait  énorme et Cansas était toujours capable d’aimer et de donner, il nous le montrait bien.
Cet amour et  cette soif de vivre nous les recevions comme un cadeau exceptionnel et constituaient, croyez-moi notre meilleur carburant pour lui apporter les meilleurs soins.   nous avions tous juré de tout faire pour y arriver.

Le 25/11/ 2006  

Marc,
C’est une horreur à l’état pur, pourtant je suis habituée des foires et des visions d’horreur.  Les gendarmes ont été appelé sur la foire pour ce cheval par une dame, un vétérinaire est venu faire un rapport et finalement le cheval est passé dans plusieurs mains, personne n’en n’a voulu , même pas le boucher chevalin, il a fini chez un maquignon qui venait de l’acheter 150 euros, je lui ai payé 180 euros pour le sauver...   Un attroupement de 20 personnes était autour, des photos ont été prises, les gens étaient outrés, très choqués.  Il y a eu un scandale, un procès-verbal a été dressé, les gendarmes enquêtent sur les précédents propriétaires qui l’ont laissé dans cet état, une procédure est en cours.
Mon vétérinaire lui  fait les soins, anti-inflammatoires, antibiotiques pour le soulager et enrayer l’infection,  jeudi il est entré aux Haras Nationaux pour être paré par le maréchal ferrant pendant 3 heures.   Il fallait un «travail» pour le maintenir pendant le parage car il ne peut se tenir longtemps, il souffre trop.    Les deux pieds avant sont fichus, pourris, nécrosés. Le percheron n’a plus de fourchette, c’était une puanteur indescriptible.    Il a fallu couper, et faire saigner beaucoup, il faudra un an minimum, si tout va bien, en box et sur du dur.

De toute façon il fallait tout tenter pour «Cansas» qui, malgré toutes les souffrances inutiles qu’il a enduré est un gentil cheval très attachant, c’est une immense carcasse plein d’amour et de gratitude, il lui manque au moins 250 à 300 kilos.  Il mange beaucoup, est gâté .    Il a fait de l’attelage  et quand il n’a plus pu servir il fut vendu, comme mis à la poubelle car çà ne vaut pas mieux.
Des gens très peinés par l’état de Cansas sont venus me parler, m’aider me remercier de l’avoir sauvé, ils lui ont porté du pain tout ce qui a pu être ramassé sur la foire même de la paille sur laquelle il s’est jeté, il mourrait de faim et a bu 5 seaux d’eau.  Même un papy paysan avait les larmes aux yeux, il m’a dit, «je n’ai jamais vu ca, c’est une honte «   Il mérite autre chose , que du bonheur car il est brave et sans rancune envers les humains malgré la cruauté dont il a été victime.  Il a tant résisté jusque là, il n’a pas voulu mourir, s’est accroché à la vie, pourquoi n’aurait-il pas droit au bonheur ?  Je ne pouvais absolument pas le laisser partir à nouveau chez un maquignon où il aurait continué à souffrir pas soigné et à crever de faim.
J’ai un coeur et pour lui, ce jour là il n’y avait que moi. Il y a beaucoup de frais de travail et de soins pour réparer « la connerie» et la méchanceté humaine qu’à subies Cansas.   Dès qu’il me voit, il se lève et vient malgré la douleur,   Je me répète tous les jours que j’ai bien ait de le sauver, je l’aime très fort et suis fort attachée et veut qu’il retrouve joie de vivre et bonheur.  Il faut qu’il puisse recommencer à marcher et qu’il garde bon moral mais il a l’oeil vif et reprend goût à la vie, doucement.  
                                Irène.

Et durant plus de six mois, sans aucun relâchement, nous l’avons soigné....  Trois fois par jour, nous lui mettions de la liqueur de vilate et faisions un énorme pansement mais toutes ces semaines, ces mois de dévouement le plus intense de toute l’équipe  n’aboutirent, il faut bien le reconnaître à aucune amélioration.  Voulant user tous les moyens  nous avons fait venir plusieurs spécialistes dont deux orthopédistes équins d’Amsterdam et enfin le docteur vétérinaire Sivine hautement spécialisé dont la compétence et la notoriété dépasse nos frontières.

Je n’oublierai jamais sa visite le 28 juin 2007.  Selon ce spécialiste, après deux heures d’examen approfondi Cansas souffrait énormément de fourbure chronique ( La fourbure est une congestion inflammatoire aiguë du pied très invalidande et douloureuse)..... Ce qui compliquait  tout : c’est que cette fourbure chronique jamais soignée depuis longtemps a déclenché le crapaud (hypertrophie des tissus de la sole avec une dégénérescence de la fourchette caractérisée par une suppuration malodorante). .... et pour son grand malheur , ce dernier ayant considérablement évolué car non soigné précocement  il est impossible de soigner et guérir un cheval qui est accablé à la fois d’une fourbure aussi grave et d’ un crapaud de cette importance.   Sa fourbure il l’aurait déjà depuis 2 ou 3 ans au moins... si pas 5...

Le docteur Sivine a insisté en affirmant  que le mieux était d’endormir Cansas car il souffrait horriblement (la preuve il maigrissait)... c’est un peu comme si nous n’aurions plus de peau sous les pieds et que nous étions forcé de demeurer constamment debout.... le mal est assimilable à une rage de dent mais constante....  Pour nous tout espoir s’écroulait... et à l’idée que Cansas souffrait aussi terriblement  , nous ne pouvions moralement pas continuer ainsi . 
Profitant de l’effet anesthésie à ses pieds, où il était bien, j’ai mis Cansas dans une prairie où l’herbe est bien grasse....  Cansas, d’un bon pas, marchait  (il fallait le voir) en broutant avec vigueur .... nous étions près de lui ...et puis  je  l’ai fait endormir sur cette même  prairie sans qu’il se rend compte de rien... il mâchait encore quelques brins d’herbes , s’est couché et tout était fini.   Il s’est éteint...  en fermant définitivement ses yeux : il a tiré le rideau sur sa misérable existence.

 Cansas ne souffrait plus , ne ployant plus sous la douleur il était  libre .  Souhaitons que autant sa vie si rude était un enfer autant son paradis soit lumineux..... car ce cheval était, nous ne le répéterons jamais assez, merveilleux....
  
Nous l’aimions fort , il était si magnifique tant en beauté qu’en caractère.  Doux, brave, coopératif, si gentil   Cansas était un cheval spécial qui méritait d’avoir un bonheur suprême.... et  nous malgré tous nos efforts nous n’avons jamais réussi .   Nous avons essayé par tous les moyens de l’arracher à son mal : nous n’y sommes  pas arrivé...  Nous aurions tant voulu marquer son coeur de grande joie et de plaisirs....  Qu’il nous pardonne d’avoir échoué. 
Nous en sommes très tristes.