ZEN
Le petit borgne
ANNIVERSAIRE  :
ARRIVE AU REFUGE  LE : 4/2001
SHETLAND  HONGRE  
DECEDE(E) LE 7 /2018
Si tous les visages au Marché se tournent vers les chevaux gros, épais,  grands et lourds  ceux dont les bouchers pourront se frotter aisément les mains des bénéfices plantureux qu’ils en retireront, il y a aussi ceux  qui, hélas, polarisent moins l’attention : les «seconds» ou «derniers» choix...  Cette «marchandise secondaire»  ce sont  les équidés maigres, handicapés, parfois blessés ou ne présentant pas un grand intérêt pour les spéculateurs de viande chevaline.
Ainsi Zen, poney shetland de très petite taille  se tenait tant bien que mal parmi des chevaux 5 fois plus grand que lui.
Zen était borgne et  on aurait pu le croire endormi sur ce marché car il ne bougeait pas .  En réalité,  l’esprit envahi par la peur, il  imaginait bien que les hommes réunis là n’étaient pas animés d’intentions bienveillantes.
Il y a , comme toujours, beaucoup de bruit en ce lieu de terreur,  des rires gras et lourds, des cris des marchands ainsi que des chevaux condamnés sans oublier le son fort des tape-culs qui tombent des camions ou qui se referment  une fois les chevaux embarqués pour leur dernière destination. 
Sans oublier, le martèlement fort sonore des pieds des équidés prisonniers frappant  désespérément les parois des camions-corbillards dans lesquels ils sont enfermés et qui les expédieront aux usines de la mort.  A chaque fois, cela me fait penser à un dernier appel au secours de leur part... 
En m’approchant de Zen et en le contemplant j’ai été consterné de voir sur son dos la trace d’une selle  bien marquée  , ressortant et imprimée dans ses poils d’hiver.
Vraisemblablement avant d’échouer ici, on ne se donnait même pas la peine de retirer la selle de ce pauvre petit esclave. 
Cette selle devait être constamment accrochée à son misérable dos et faisait de lui comme une petite moto toujours prête à l’emploi sur laquelle on pouvait se placer .  L’égoïsme de certains écrase hélas la conscience et la raison.
Je ne pouvais pas  fermer les yeux sur cet infortuné et je  l’ai racheté 100 euros.   
Cela fait plus de dix ans que Zen vit parmi nos «canailloux» et est devenu tellement gros qu’on l’assimile à une volumineuse boule de billard.